Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


En direct du conseil général

Publié par Eric de Falco sur 20 Octobre 2009, 11:26am

Catégories : #actualité

Séance plénière du 20 octobre 2009

Discours de Didier Marie

Président du département

 

Mesdames, Messieurs,

 

Cette session, hasard du calendrier, se déroule le jour où le Président de la République va intervenir sur le projet de réforme des collectivités territoriales et à la veille de la présentation devant le Conseil des Ministres, des différents projets de loi qui vont profondément en modifier l’architecture. Vous comprendrez, vu l’impact de ces décisions sur l’avenir de notre institution que je vous fasse part de mes commentaires et de mes inquiétudes, sur ce qui sera, n’en doutons pas, un tournant dans la relation entre les collectivités locales et l’Etat, et entre ces mêmes collectivités et nos concitoyens.

 

Depuis un an,  au fur et à mesure des échos que nous recevions, nous avons abordé ces questions. Nous l’avons fait avec les maires et les élus de nos communes. Très nombreux lors des rencontres du Zénith. Chacune et chacun a pu à cette occasion faire part des ses attentes et de ses inquiétudes.

Ces dernières sont largement partagées, exprimées de toutes parts et de tout bord dans les associations d’élus : AMF, ADCF, AGVF, ADF, ARF.

Les inquiétudes ne relèvent pas d’un traditionnel clivage partisan droite – gauche, en atteste les déclarations, j’y reviendrai, de bon nombre de responsables de la majorité présidentielle, et non des moindres. Les préoccupations concernent l’avenir des collectivités, leur libre administration, la capacité des élus à mettre en œuvre les politiques pour lesquelles ils ont été élus. Il s’agit ni plus ni moins de l’existence de la décentralisation.

 

La première dimension de la réforme est déjà en débat, quasi subrepticement, dans le cadre du projet de loi de finances. Il s’agit de la suppression de la Taxe Professionnelle. Cela ne concerne pas moins, excusez du peu, « que de » 282M€ de recettes pour le Département, 50 % de nos recettes fiscales. Si vous y ajoutez pour 2010, le gel de la Taxe d’habitation, il ne nous reste que 15% d’autonomie fiscale soit dépendance pour 85% des dotations de l’Etat. Autant dire que le gouvernement nous passe les menottes fiscales et qu’il les accroche aux grilles de la préfecture.

 

Le gouvernement parachève ainsi une action patiemment engagée d’étranglement et d’asphyxie financière, engagée avec les transferts non compensés (180 M€), le plafonnement de la TP (56M€) qui voit la dette du gouvernement à l’égard du département de Seine-Maritime s’accroître de 133€/mn, 7991€/heure et de 191 781 € par jour, soit en 2009 telles que les choses avancent de plus de 70M€, pour la porter au total à 241 170 000€. Ce qui représente un avoir pour chaque enfant qui nait en 2009 de 13 400€.

 

Je ne ferai pas plus de commentaire ; simplement que je rejoins pour une fois Alain Juppé, Ancien Premier Ministre et considère moi aussi que le gouvernement « se fout du monde » et plus particulièrement des Seinomarins.

 

Le second volet de la réforme ne compte pas un texte de loi mais cinq !  

 

-         un sur la réduction des mandats de conseillers régionaux à 4 ans et de conseillers généraux à 3 ans. Pour permettre l’élection des conseillers territoriaux en 2014, d’ailleurs étrange de demander aux parlementaires de voter un texte sur un objet législatif non identifié (OLNI) puisque le texte sur les conseillers territoriaux n’aura pas encore été présenté.

-         Le second et le troisième portent sur la réforme territoriale et son pendant électoral

-         Le quatrième, sur la clarification et la répartition des compétences entre différents niveaux de collectivités, on aurait d’ailleurs préféré commencer par cela,

-         Le cinquième, en 2013 devrait nous permettre de connaître nos futures circonscriptions électorales suite à un redécoupage que l’on peut, à l’instar de celui des circonscriptions législatives, imaginer cuit aux petits oignons !

 

Et après, on voudrait que nos concitoyens s’y retrouvent ! Ce saucissonnage atteint une dimension Kafkaïenne, même les parlementaires ont le sentiment, comme nous l’a dit au Zénith le 19 septembre dernier, Mme Gourault, Sénatrice du Loir et Cher, que le gouvernement veut les faire avancer à l’aveugle.

 

Pour ma part, je demande au Président de la République, vu l’importance des choix qui se dessinent qu’il présente un seul et unique projet et qu’il le soumette à l’arbitrage du peuple dans le cadre d’un référendum car il s’agit ni plus ni moins, de l’avenir de la décentralisation dont il est question.

 

Je souhaite que ce débat puisse avoir lieu, car depuis près de 30 ans, les collectivités se sont saisies des compétences que les lois « Defferre » leur ont confiées.

Qui peut aujourd’hui dire que les routes, les collèges, l’action sociale, l’aménagement du territoire, n’ont pas été mieux traités quelque soient les couleurs politiques depuis la décentralisation.

 

La décentralisation a responsabilisé les élus, souligné les différences entre nous, tant mieux ; et ce n’est pas au gouvernement, parce qu’une majorité d’entre elle ne sont pas de son bord, de décider si ce que nous faisons est utile ou non, mais à celles et ceux qui nous élisent. Il est inadmissible de vouloir reprendre par la loi ce que les électeurs ont décidé dans les urnes.

 

Depuis près de 30 ans, les collectivités, leurs élus, leurs agents ont apporté la preuve non seulement de leur utilité, mais aussi de leur efficacité, ils ont fait, dans les moments les plus difficiles, preuve d’adaptation, de réactivité. Ils ont en permanence innové et les départements ont été à la pointe de ce mouvement, il n’y a, pour s’en rendre compte, qu’à franchir les portes d’un collège, emprunter une ancienne route nationale, rencontrer des agents d’un CMS, comparer les politiques culturelles, mesurer les actions en cette crise. L’Etat d’ailleurs ne s’y trompe pas puisqu’il nous sollicite sans cesse pour résorber les zones d’ombre de téléphonie mobile, d’internet et demain de TV numérique, pour construire ou entretenir les routes de sa compétence, pour soutenir l’intérêt public (ANRU, ports….)

 

Le bilan de la décentralisation, c’est 73% de la commande publique pour 10% de l’endettement national quand chaque jour, le gouvernement emprunte 730 millions d’Euros pour boucler ses fins de mois.

 

Alors j’entends ici ou là, et certainement cet après-midi, des voix s’élever disant « ils ne veulent pas que ça bouge. Ils ne sont pas modernes ».

Qu’on ne s’y trompe pas, mon propos n’est pas de décrire une organisation parfaite. La décentralisation doit connaître une nouvelle étape. Toutes les associations pluralistes d’élus l’ont dit. Le diagnostic et les objectifs étaient partagés :

-           souhait de clarifier les responsabilités de chaque échelon et leurs moyens de coordination,

-           améliorer l’organisation territoriale et traiter les questions de représentativité,

-           définir les moyens nécessaires à la mise en œuvre des compétences et garantir l’autonomie financière et fiscale dans un système plus lisible et plus juste. (rapport Fouquet)

Ce consensus n’est pas partagé par le gouvernement.

A ceux qui en doutaient encore, le projet s’inscrit pleinement dans les traces du rapport Balladur et de son résumé : « moins de collectivités, moins d’élus, moins de dépenses »

 

Bien que le projet se contredit sur bien des points :

-                     Moins de collectivités, ce n’est pas certain. Certes il y a une volonté manifeste d’effacer les départements. Jean-François COPPÉ, Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, l’a d’ailleurs exprimé plus crument que Brice HORTEFEUX, Ministre de l’Intérieur, il a annoncé qu’il déposera un amendement proposant purement et simplement la fusion des Régions et des Départements. Mais              on découvre la création de nouvelles structures : métropoles et pôles métropolitains, communes nouvelles, moins d’élus donc, bien que les conseillers généraux et conseillers régionaux ne représentent qu’un % du total des élus, on les fusionne en conseillers territoriaux, 70 M€ d’économie nous dit le Ministre de l’Intérieur, rapporte aux 91,7 milliards d’euros de budget des départements et régions en 2008 (et je n’irais pas jusqu’à les comparer à l’évolution des dépenses d’un seul, certes le plus important, mais tout de même).

 

C’est paraît-il, souligne les rédacteurs du projet de loi, pour qu’ils « soient mieux connus, plus légitimes, donc plus efficaces ».

 

Je vous laisse le soin d’apprécier la considération que les rédacteurs du projet portent à vos fonctions actuelles.

 

Certes, nous demandions des améliorations, notamment en rapprochant le poids démocratique et démographique de chaque conseiller général, mais que dire de la légitimité tirée d’une élection à un seul tour, acquise avec 30 à 40 % des suffrages, constituant des majorités ne représentant qu’entre 1/4 et 1/3 des votants (sans parler des inscrits).

 

Mais, l’ensemble est logique, car la décentralisation tire sa légitimité du suffrage universel. Moins l’élu sera représentatif, plus il dépendra du pouvoir central.

 

J’en appelle, une fois n’est pas coutume à deux anciens Premier Ministre UMP que je cite

 

« réduire le nombre d’élus ne saurait être l’objectif principal d’une réforme des collectivités. Opposer les élus locaux aux citoyens est démocratiquement dangereux ».

 

Deux Anciens Premiers Ministres UMP, Jean-Pierre RAFFARIN et Alain JUPPE renchérissant :

« c’est quelque peu démagogique ».

« Qu’ont fait les conseillers généraux pour mériter une telle punition » s’interroge Philippe ADNOT Sénateur et Président du Conseil Général de l’Aube qui vous a écrit.

 

Moins de collectivités, moins d’élus, et j’en viens à l’essentiel, rappelé avec force par le Premier Ministre, François FILLON, mercredi dernier lors de la conférence nationale des exécutifs : contraindre les collectivités à dépenser moins, et il est un moyen encore plus implacable que la loi pour y parvenir : il suffit de les mettre à la diète.

 

En voici la recette :

- réduire les ressources propres des départements à la position congrue  au 01/01/10, la Seine-Maritime n’aura plus que 15 % d’autonomie fiscale sur un budget d’1,2 milliard, soit les 175 M€ relevant de la taxe sur le foncier bâti et non bâti, alors que la moyenne des départements français sera de 12 % (sommes-nous mieux. Non, car taux de foncier bâti sont historiquement hauts).

 

-       transférer des charges sans les couvrir suffisamment, le total des manques à gagner est égal ici à une année d’impôts ménage.

Si le gouvernement couvrait ces charges, pas d’impôts départementaux pour les 400 000 contribuables seinomarins pendant un an.

 

- contraindre a baisser les dépenses, en supprimant comme le gouvernement l’a fait des postes de fonctionnaires. Le Premier Ministre n’a-t-il pas dit que l’ensemble des départements avait embauché 36 000 fonctionnaires par an, omettant de préciser que 90 % d’entre eux étaient fonctionnaires d’Etat et qu’ils nous avaient été transférés sans qu’on le demande. Ou encore en abandonnant des pans entiers de mission qui font aujourd’hui l’unanimité aide aux communes, aux associations.

 

Dans ces conditions, le débat sur la clause de compétence générale n’aura même pas besoin d’être, puisqu’avant 2012, au rythme ou vont les choses, l’ensemble des départements aura été transformé en guichet de l’Etat, distribuant des prestations nationales, RSA, APA, PCH, FSL, financées pour parti par le contribuable local.

 

Les Présidents de Conseils Généraux deviendront des chefs de service de l’Etat ayant la particularité d’être l’élu, tout comme vous, conseiller général guichetier.

 

Alors que penser à ce moment lorsque l’Etat vient nous chercher pour financer telle ou telle mission ou projet de sa responsabilité, sinon qu’il est schizophrène. En tout cas, je vous proposerais le moment venu d’en tirer toutes les conséquences, et que la maison Seine-Maritime ne fasse plus crédit à l’Etat, ni pour son fonctionnement courant, ni pour un investissement.

 

Mesdames, Messieurs, Chers Collègues, ce qui va se jouer dans les jours qui viennent, ce n’est pas de savoir de quelle nouvelle circonscription électorale vous serez l’élu demain, si le département restera avec la même majorité ou non suite au redécoupage électoral.

 

Ce qui se joue, c’est l’avenir de la décentralisation.

La ligne de front passe entre ceux qui souhaitent voir mise en œuvre une nouvelle étape de cette démarche qui a permis de moderniser notre république et celles et ceux qui défient les élus locaux, réduisant leur capacité de choix, veulent recentraliser et ramener le pouvoir à Paris.

 

Il s’agit de choisir entre des réformes nécessaires permettant de poursuivre l’aménagement du territoire et d’apporter de nouveaux services à nos concitoyens (à mes yeux, il n’y a pas trop de crèches, d’écoles, d’EPHAD, d’établissements pour personnes handicapées) et le recul de l’intervention publique locale.

 

Le débat sera d’ici quelques jours entre les mains des sénateurs et députés. Ils sont nombreux, y compris dans la majorité présidentielle à partager nos inquiétudes et vouloir une décentralisation aboutie.

 

Je ne doute pas que ceux qui siègent ici dans cet hémicycle porteront la parole des Seinomarins et de leurs élus.

 

Je crois qu’au-delà de nos divergences ou de nos oppositions qui participent d’un débat démocratique normal et sain, au delà de nos différences d’appréciation sur tel ou tel point que nous souhaiterions voir figurer ou non dans une réforme des territoires, il est important, nécessaire que nous puissions nous rassembler pour affirmer ensemble l’utilité, l’efficacité des collectivités locales, nous rassembler pour que le rôle des départements auprès des habitants, leur fonction essentielle d’amortissement face à la crise actuelle, leur capacité à porter le développement des territoires soient défendus et réaffirmés, ce qui n’est pas la cas aujourd’hui dans les projets de réforme qui nous sont proposés.

 

Je crois cet accord entre nous possible et souhaitable car je crois qu’une réforme des collectivités acceptable par la grande majorité des élus locaux reste aujourd’hui possible.

 

C’est d’ailleurs le sens de l’invitation que l’ADF toutes sensibilités confondues vous fait, de nous retrouver dans notre diversité le 16 novembre prochain au Palais des Congrès de Paris. Nous retrouver les 4 200 conseillers généraux de France pour rappeler que la décentralisation est aujourd’hui la pierre angulaire de notre République.

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Articles récents