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Le blog de Eric de Falco

Le blog de Eric de Falco

conseiller général du 1° canton de Rouen


La disparition d'un grand humaniste

Publié par Eric de Falco sur 21 Janvier 2013, 07:57am

Catégories : #actualité

Voilà que la mort nous a pris Pontalis. Elle ne se refuse rien. Il était le meilleur parmi les bons, le plus fin parmi les intelligents, le plus clairvoyant et le plus libre. Le plus doué aussi, sans emphase ni vanité, pourtant. Et enthousiaste, et rieur, et charmant…

Etait-ce d’avoir vu passer toute l’humanité dans son cabinet d’analyste? Il semblait pouvoir tout comprendre, tout admettre. En parlant de choses et d’autres avec lui à la terrasse d’un bistrot, les larmes vous montaient aux yeux, sans prévenir, sans raison. Il y a des gens comme cela. Ils font remonter de vieilles émotions oubliées. Rien ne leur échappe, ils voient tout, ne vous jugent jamais. On fait comme on peut, voilà ce qu’il pensait. Et rien de sentimental, là-dedans, rien de pleurnicheur ! Il détestait l’effusion facile, se fâchait quand on faisait l’enfant. Le genre d’homme qu’on aurait aimé avoir pour père, en somme.

Il était de ces rares êtres qui font l’unanimité, et savent prendre ce que les autres ont de meilleur en eux: l’amour, l’intelligence, le talent. Le garçon de courses de Gallimard dans l’escalier, le prix Nobel qu’on croisait en sortant de son bureau, il s’en faisait aimer. Même dans le milieu analytique, c’est dire, on avait pour lui respect, affection. Affaire de fantaisie, de drôlerie, d’à-propos. Pas d’effort à faire, pour lui: une aptitude.

Voici une carte postale de lui. Un fusain d’Odilon Redon qui s’appelle «Prince du rêve» (c’est tout lui, ça): l’écriture est absolument minuscule (il écrivait au Rotring?), et même il est impossible d’écrire plus petit. Un peu penchée à droite, fine et délicate. Chaque lettre est détachée, posée à côté de la suivante comme s’il avait voulu être clair avant tout, ne rien laisser à deviner. Une sorte de politesse intellectuelle. Le mystère, oui, mais pas l’obscurité. Politesse? Elégance, plutôt.

Il était un éditeur parfait: il lisait les manuscrits comme peu savent le faire, très affirmatif sur le détail, mais se contentant, quant à l’essentiel, de discrètes suggestions qui bouleversaient tout… Il avait lu tous les livres, avait tout retenu, il pouvait critiquer… Pour lui, les livres étaient des preuves, des indices, des dossiers. Les livres étaient dans sa pensée comme le sang dans les veines. Ni livres ni sang ne coulent plus, à présent.

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